Canvas de Jeffrey Chin et Andrew Nerger : quand l’art rencontre le jeu de société.
Il y a des jeux qui sortent de l’ordinaire avec des concepts différents que l’on ne retrouve pas ailleurs, je pense par exemple à Dice Forge et ses dés customisables. Aujourd’hui nous allons parler de Canvas, un jeu publié chez Road To Infamy. Canvas est un bijou de Game Design et mérite qu’on s’attarde dessus.
Le concept du jeu
Dans Canvas, les joueurs sont des peintres qui vont devoir créer des oeuvres pour un concours. Certains critères seront évalués pour marquer des points. Lorsque chaque joueur a créé trois toiles, la partie s’arrête et celui qui a le plus de points gagne. Rien de bien révolutionnaire me direz-vous… et bien si, car dans Canvas, on va littéralement créer nos oeuvres. Ce n’est pas un simple jeu de récupération d’ingrédients, à la fin de la partie, chaque joueur aura des compositions uniques devant lui. En effet pour créer nos oeuvres, on va superposer des calques illustrés.
La zone de jeu est composée d’un plateau central sur lequel on pose les objectifs de points et une rivière de calques. On retrouve un peu la même logique d’un Century : on peu prendre gratuitement le premier calque de la rivière, mais si l’on veut prendre un calque en amont, il va falloir déposer des jetons spéciaux sur les calques non désirés. Ainsi les autres joueurs récupéreront les jetons lorsqu’ils prendront ces calques ultérieurement.
Un gamedesign efficace
Cette idée de superposer des calques pour créer des tableaux est un coup de génie. C’est une utilisation différente de ce qu’on a l’habitude de voir. Par exemple dans les bâtisseurs, les calques servent à améliorer les statistiques d’un ouvrier. Dans Canvas, on est plus dans l’ordre de l’esthétisme. Souvent à la fin de la partie, j’appréciais plutôt le fait d’avoir fait une jolie oeuvre plutôt que de gagner aux points. D’ailleurs ce point de vue sera abordé dans l’extension Canvas Réflexion, il y aura souvent deux gagnants: le joueur ayant remporté le plus de points et celui dont le tableau sera élu par tous les joueurs comme étant le chef d’oeuvre de la partie.
Mais comment on gagne des points au fait ? C’est très simple, au début de partie sont tirés au hasard plusieurs cartes scoring. Elles expliquent comment marquer des points avec les tableaux. Lorsque l’on assemble des calques, on va créer en plus du dessin une série de symbole en bas de l’oeuvre. Lorsque l’on termine un tableau, on parcours chaque carte de storing, si le tableau valide cette carte, on récupère un ou plusieurs marqueurs correspondants. A la fin de la partie, les marqueurs rapportent des points.
Le soucis du détail
Commençons par regarder la boite de jeu, elle ressemble à un tableau peint. Le soucis du détail est poussé à son maximum : aucune écriture sur la face, les tranches de la boite sont peints aussi en continuité de l’oeuvre. Il y a même un trou au dos de la boite pour pouvoir l’accrocher telle un tableau. La boite n’est plus seulement le contenant du jeu mais devient un objet de décoration à part entière.
Lorsque l’on ouvre la boite, on découvre un jeu bien organisé, le fond de la boite montre l’emplacement de rangement de chaque éléments. Seul bémol peut être est que le matériel de la version deluxe rentre vraiment limite (surtout les chevalets), j’ai peur qu’avec le temps la boite gondole. Ceci dit j’en suis à pas mal de parties et pour l’instant tout semple tenir le choc.
Le plateau de jeu est un petit tapis Néoprène qui se déroule telle une trousse à outil de peintre. Chaque chose à sa place: les emplacements pour les objectifs, la rivière de calques et sa pioche dans sa boite opaque. Le style « peinture » du plateau est raccord au thème, bref, tout est homogène dans ce jeu.
Le jeu est-il bon ?
A partir de trois joueurs, le jeu est bon dans l’état, mais vraiment bon. La rivière de carte tourne assez pour que chacun puisse suivre une stratégie différente.
A deux joueurs, ça coince beaucoup plus: on se retrouve très souvent à prendre la première carte car on n’a pas assez de jetons à poser pour pouvoir prendre les cartes d’après. On commence le jeu avec 3 jetons en main et pour en récupérer, il faut que l’autre joueurs les utilises. On s’est retrouvé dans des parties où le second joueur faisait une rétention des jetons et bien voilà… Le jeu est un peu bloqué et on joue petit.
Mais pour le mode 1-2 joueurs, une variante officielle existe : Vincent. Vincent est un joueur virtuel qui va utiliser des jetons et défausser des calques de la rivière. Cela fait tourner les calques et ajoute un peu de chaos sur la disponibilité des calques. A deux joueurs la variante Vincent est indispensable.
Encore une fois, on sent que le jeu a été testé. La faiblesse du gameplay de Canvas est pour moi le lien trop fort entre la disponibilité des calques de la rivière et le nombre de joueurs. On peut allègrement comparer Canvas à Century Spice Road. Le système pour acquérir les cartes / calques est identiques. Mais, dans Century, les joueurs ont beaucoup plus de jetons à dépenser sur les cartes et on est rarement à court de ressources. Mais surtout les joueurs ont moyen de temporiser : jouer ou reprendre ses cartes en main permet de laisser la possibilité aux autres joueurs de prendre des cartes sur la rivière et révéler des cartes plus interessantes pour notre jeu. Il fallait donc imaginer un système pour compenser cette simplicité du gameplay. Et Vincent répond relativement bien à la problématique.
Son extension : CANVAS: Reflections
Une extension est sortie sur Kickstarter en février 2021 (pour une livraison annoncée en 2022). CANVAS: Reflections apporte quatre nouvelles choses au jeu de base
- un nouveau type de marqueur de points,
- une nouvelle façon de gagner en élisant la plus belle oeuvre (mauvaise foi assurée).
- un nouveau plateau de jeu contenant deux lignes de calques. Je suis plutôt dubitatif sur cet ajout, je pensais qu’au début cela permettait de mieux faire tourner les cartes et finalement… Je ne suis pas certain, à tester.
- un nouveau type de calque double face : « la réflexion », ces calques spéciaux pourront être retournés, et ainsi renverser les symboles en bas du calque. Alors pourquoi pas, mais j’ai peur que les calques recto-verso soient noyés dans la masse : 40 calques « réflexion » contre 70 calques normaux.
Alors forcément j’ai pledgé, est-ce que cette extension vaut le coup, je pense clairement que non, surtout à 35$. Mais bon tant qu’à faire, autant avoir l’ensemble et les KS Exclusifs qui ne seront pas trouvables ultérieurement.
En conclusion
Canvas a plusieurs niveaux de jeux. Certains aimeront simplement créer des oeuvres cohérentes et jolies à présenter, d’autres viseront les points de victoires en superposant les calques judicieusement. Ce n’est pas un jeu prise de tête et les débats en fin de partie pour savoir qui a fait le plus joli tableau sont souvent drôles, je dirais même que la mauvaise foi est de mise et on retrouve presque un esprit « jeu d’ambiance » lorsqu’on essaie de vendre son oeuvre aux autres.
Mais comment ça mon tableau n’est pas beau, c’est de l’ART ça monsieur !
Le jeu est assez simple pour être abordé par des joueurs débutants. Mais Canvas propose aussi assez de challenge au niveau de la gestion de ses jetons et de l’ordonnancement des calques pour satisfaire les plus exigeants. Accessibles à tous, Canvas permet de passer un bon moment. Certes on n’enchaine pas 5 parties de suite mais c’est une bonne mise en bouche pour une soirée jeu.
Canvas sort en Septembre 2021 en français chez Road to Infamy.
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