Keitai Shoujo : filoutage à la portabilité
Lors de mon premier voyage au Japon, j’ai ramené plusieurs jeux dont Moteneba, Latria ou trick or trick. L’un des deux jeux restants se nomme Keitai Shoujo ~ MNP surukara kin o kure ~tsu!~ (ケータイ少女~MNPするから金をくれっ!~) . Malheureusement, je ne parle pas japonais et il n’y a aucune ressource en anglais sur le net. Plusieurs dizaines d’euros en moins sur mon compte, j’ai enfin la traduction ! Je ne regrette pas cette dépense. Il s’agit d’un jeu bien wtf et typiquement japonais: à vous de truander les opérateurs téléphoniques et le système japonais de portabilité des numéros.
Le système de portabilité japonais
Avant de commencer à parler du jeu, il faut comprendre le système de portabilité des opérateurs téléphoniques au japon, le MNP (Mobile Number Portability). Tout comme un français, un japonais peut changer d’opérateur tout en gardant son numéro de téléphone. Seulement voilà, les opérateurs nippons ont décidé de se livrer une guerre commerciale pour capter les clients de la concurrence à base de Cashback ou de cadeaux comme des Smartphones.
Les joueurs sont donc des petits malins qui vont essayer de profiter du système et gagner de l’argent en changeant d’opérateurs à la chaine.
La foire des opérateurs
Nous jouons avec trois opérateurs (couleurs) différents. Chacun d’eux va proposer des téléphones à récupérer lors de la souscription des contrats. Ces téléphones ont une valeur différente et donc seront plus ou moins attrayant pour les joueurs.
Les cartes sont séparées par opérateurs et forment donc trois pioches. Au début du jeu on va créer un marché en piochant autant de cartes que de joueurs dans chaque paquet opérateurs (à deux joueurs deux cartes par opérateur donc six au total).
Une manche est composée de plusieurs phases :
- Ajout du cashback : suivant le résultat d’un lancer de dé et en utilisant une table de correspondance, on va en général ajouter des jetons yen sur certaines (ou toutes) les cartes opérateurs.
- A partir de la seconde manche : Chaque joueur récupère un jeton yen sur chacune de ses cartes et retire un jeton blacklist
- A partir de la seconde manche : Sortie des nouveaux produits : on reforme le marché comme au début du jeu
- Première phase d’achat : les joueurs vont pouvoir soit souscrire un nouveau contrat ou soit casser un contrat en cours en utilisant la portabilité pour aller chez un autre opérateur.
- Seconde phase d’achat
- Fin du tour
Le jeu s’arrête lorsqu’on ne peut plus ré-alimenter le marché. Le décompte final est simple: on ajoute les jetons yens (1 point chacun) et la valeur des cartes et le gagnant est celui qui a le plus de points.
La portabilité pour les nuls
Bon c’est bien gentil tout ça mais comment on fait pour réaliser une portabilité ? Et bien c’est à la phase d’achat que le jeu prend toute sa saveur : au début du jeu on va devoir souscrire des abonnements auprès d’opérateurs. Rien ne nous empêche de prendre deux contrat chez le même opérateur. On récupère la carte téléphone ainsi que les jetons yen qui peuvent être posés dessus en payant un jeton. (On souscrit un forfait).
Les tours suivants, on va pouvoir clôturer un contrat (on retourne la carte téléphone) et en prendre une autre dans le marché. Mais forcément on ne peut pas prendre un contrat chez l’opérateur dont on vient de clôturer le contrat. Lorsque l’on clôture un contrat qui a encore de l’argent dessus, on est blacklisté chez l’opérateur, on ne peut plus prendre de contrat chez lui : on récupère jusqu’à 3 jetons blacklist.
Un jeu amateur qui a tout d’un grand
Keitai Shoujo est un jeu tiré à quelques exemplaires, les japonais on vraiment cette culture de la publication amateur. Par chez nous, on connait surtout les doujins, ces mangas japonais amateurs qui sont vendus très souvent lors des conventions. Et bien pour le jeu de société, c’est pareil! De petits groupes éditent leurs jeux et les vendent lors de conventions amateurs ou pseudo-professionnelles. On peut citer par exemple Seiji Kanai, l’auteur de Love Letter qui a sorti son premier jeu dans la sphère doujin.
Keitai Shoujo est un pure produit nippon : la thématique du jeu est vraiment calquée sur la vie réelle japonaise. J’imagine bien les créateurs du jeu adepte du MNP. Avant de m’intéresser à ce jeu, je n’avais jamais entendu parlé de ce système de cashback pour la portabilité.
On retrouve des easter eggs un peu partout. Le nom des opérateurs sont des déformations des vrais opérateurs téléphoniques japonais. On retrouve Dokodemo pour Docomo, Soft Ginkou pour SoftBank et A-you pour AU. Il en est de même pour les cartes téléphones. La carte la plus forte est « Ringo« , Pomme en japonais (oui les japonais sont fan des iPhones), la suivante est Droid An… Pour les deux autres cartes, je n’ai pas compris la référence. .
L’idée d’être blacklisté chez un opérateur si on a abusé sur la portabilité est très certainement réelle. Je n’imagine même pas si en France on avait ce même système… Venez chez Orange, on vous file un iPhone 12, venez chez SFR, vous aurez un Galaxy S21 gratuitement!
La qualité du matériel est bluffante, on dirait vraiment un édité par un gros du marché. Les jetons en carton et les cartes sont de très bonne qualité. Mais par contre le manuel du jeu – pouahh – c’est vraiment amateur. Ça part vraiment dans tous les sens.
Et que dire de ces illustrations ? Je pense que c’est le gros point positif des jeux amateurs japonais, les illustrations stylisées manga ne plairont pas à tout le monde mais qui satisfait le public visé. C’est bien la marque des jeux japonais (Barbarossa, Tanto Cuore). Ceci dit, on peut se poser vraiment la question d’ajouter les illustrations des personnages féminins sur les écrans des téléphones, on dirait presque une utilisation des OS-Tan. Ce n’était clairement pas nécessaire si ce n’est pour le fan-service. Ceci dit ça fonctionne, j’ai acheté le jeu sur un coup de tête en voyant l’illustration sur la boite.
Mais qu’en est-il de la qualité du jeu ? Et bien dans les faits, c’est pas mauvais, la thématique porte vraiment le jeu. Le seul point nuancé est ce lancé de dé qui va un peu orienter les cartes à prendre. Si le jeu devait sortir maintenant, je pense qu’on aurait certainement un autre système pour gérer ce coté aléatoire avec des cartes « évènement » équilibrées (comme un Démeter par exemple). Mais bon, ce n’est pas le plus important Keitai Shoujo n’a pas vocation à être un jeu équilibré, c’est plutôt un jeu rapide sans prise de tête. Et il réussi plutôt bien son job. Que demander de plus ?
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